Attaques de panique et crises d’angoisse, comment en sortir ?
Les vraies crises d’angoisse
Bonjour,
je suis David Buffault, je suis thérapeute et je pratique notamment l‘hypnothérapie, et aujourd’hui je vais vous parler des crises d’angoisse qu’on appelle aussi les crises de panique.
Cela s’adresse aux personnes qui ont des angoisses, et également aux personnes qui les accompagnent ou qui peuvent les conseiller. J’ai d’ailleurs des conseils exprès pour eux à la fin.
Je vais vous expliquer ce que c’est, les mécanismes sous-jacents, et ce qu’il faut faire pour en sortir.
Dans la deuxième partie, je vais vous parler du cas des personnes qui pensent souffrir de crises de panique, alors qu’il s’agit d’autre chose. Une forme de faux diagnostic très handicapant parce qu’il vous empêche d’en guérir, et malheureusement assez répandu. Je vous dirai comment savoir si vous êtes dans ce cas là, et que faire.
Quelques précautions de vocabulaire avant de commencer.
J’utiliserai indifféremment les termes d’attaque de panique et de crise d’angoisse, ils sont synonymes.
Un symptôme est l’expression d’un état anormal, c’est-à-dire la conséquence d’un phénomène qui se manifeste dans un corps. On peut avoir ressentir un symptôme sans être malade.
Un même symptôme peut souvent traduire des maladies différentes.
Un syndrome est un ensemble de symptômes fréquemment associés. Un syndrome grippal, par exemple, associe une fièvre élevée, des courbatures et un mal de tête. Cette fois encore, un syndrome peut être présent dans des maladies différentes.
Pour commencer j’aimerai vous parler de 3 patients que j’ai eu au cours de ma pratique et qui sont venus me voir pour des crises d’angoisse.
La première c’est Jeanne, (tous les prénoms ont été changés) une jeune danseuse de 24 ans, artiste pratiquant le tissu aérien, qui ne sort plus de chez elle depuis près de 4 mois. Quelques semaines après une rupture amoureuse, elle a fait une énorme crise d’angoisse alors qu’elle était tranquillement en famille. Son cœur s’est accéléré, elle a eu des vertiges et du mal à respirer. Elle a du sortir pour reprendre ses esprits avec l’aide de sa famille qui la rassurait. Elle a cru qu’elle allait mourir. Depuis, elle a commencé à avoir peur de sortir, de faire les courses, en évitant peu à peu les situations compliquées pour elle au point qu’aujourd’hui, même sortir de chez elle est compliquée (Agoraphobie). Désormais selon ses propres mots : « elle a peur de tout »
Ensuite il y a Christophe, 26 ans, 1m85 pour 82kg de muscles. Très sportif, il travaille dans une salle de fitness et participe régulièrement à des compétitions sportives, notamment de bodybuilding. Un jour, sans qu’il n’y ait de son point de vue quoi que ce soit qui l’explique, il fait une crise d’angoisse qui a pour conséquence que sa vessie lâche. Il ne comprend pas ce qu’il se passe, et au-delà de la honte, voire de l’humiliation, il a peur que cela se reproduise. Depuis 2 ans, il met en place beaucoup de stratégies pour éviter les situations où cela pourrait être compliqué, mais une nouvelle compétition importante va l’amener à faire des déplacements en bus et en train avec les autres candidats… cela l’angoisse beaucoup. (Cystophobie)
Frédérique a 45 ans et vient me voir car elle fait des crises de panique en voiture (Amaxophobie ). Elle en a fait une première il y a dix ans, et depuis, rien que l’idée de reprendre la voiture sur autoroute la panique. Elle peut utiliser sa voiture sur des petites routes et des chemins qu’elle connaît bien, mais les grands axes, surtout sans bande d’arrêt d’urgence, c’est impossible.
Peut-être que vous vous reconnaissez ou que vous reconnaissez une de vos connaissances dans des schémas similaires.
Une crise d’angoisse, une attaque de panique, qu’est-ce que c’est ?
On parle de crise d’angoisse ou de crise de panique lorsqu’une peur incontrôlable crée des manifestations physiques désagréables, des symptômes, intenses.
Parmi ces symptômes on peut avoir un ou plusieurs des suivants :
- de la tachycardie, des palpitations ;
- des sueurs, des frissons ;
- des douleurs thoracique, l’impression de faire une crise cardiaque ;
- une sensation d’étouffement ou de suffocation ;
- des tremblements ou des spasmes musculaires ;
- des vertiges ;
- une envie de vomir, un mal de ventre ;
- l’impression de devenir fou, de perdre le contrôle ;
- et même jusqu’à une sensation de mort imminente.
Autant dire que c’est plutôt traumatisant. Ils provoquent ce qu’on appelle un stress aigu.
La présence de certains de ces symptômes n’est pas suffisant pour parler de crise d’angoisse, il faut que cela soit un sentiment d’angoisse qui les déclenche.
Cette crise est le plus souvent liée à un contexte qui présente un certain nombre de caractéristiques : ce que je suis en train de faire, ce que je vois, ce que j’entends, ce que je sens…
On distingue les angoisses irrationnelles, des l’angoisses rationnelle.
Dans les angoisses irrationnelles, même si la personne sait pertinemment qu’elle ne court aucun danger, elle ressent tout de même de la peur. Par exemple dans le cas de la peur de clowns.
Dans l’angoisse rationnelle, la personne croit qu’elle court un risque, par exemple qu’elle a des facteurs génétiques qui la prédisposent au cancer, et cette pensée l’angoisse. C’est la raison qui la déclenche.
On va parler de phobie lorsqu’on connaît l’événement déclencheur, la phobie déclenchant une crise d’angoisse lorsqu’on est mis en présence de ce déclencheur, ou même quand on y pense. Par exemple la peur des araignées (arachnophobie), des pigeons (Ornithophobie) , des clowns (coulrophobie), des poupées (Pédiophobie).
Attention, ce n’est pas juste quelque chose qu’on n’aime pas, mais quelque chose qui peut créer des réactions d’angoisse importantes, voire violentes pour celui qui les vit.
Parfois, on n’arrive pas à identifier le contexte qui déclenche ou qui a déclenché la crise d’angoisse.
Une crise d’angoisse peut se produire une seule fois, lors d’un événement très effrayant par exemple. Toute angoisse importante est susceptibles de déclencher ces attaques de panique. Ce n’est cependant pas très grave dans ce cas là, et ne laisse pas de séquelles, ni physiques (ce n’est jamais le cas), ni psychologiques.
Croire que son enfant vient de mourir par exemple, peut plonger quelqu’un dans une de ces crises, et c’est bien normal. Lorsqu’elle apprend que son enfant va bien, le soulagement est immédiat la plupart du temps, et la crise ne se reproduit pas.
Ce qu’on appelle « souffrir de crises d’angoisse » ou d’attaques de panique, c’est lorsque ces moments se répètent. Lorsqu’il y a régulièrement, que l’on identifie le contexte ou non, des attaques de panique avec le cœur qui s’accélère ou une sensation d’étouffement ou plusieurs des autres symptômes que j’ai évoqués précédemment.
A certains moments, la personne a une peur qui monte et qui se manifeste fortement, par une oppression, le corps qui accélère, une transpiration abondante, etc.
Mais malheureusement, cela ne se limite pas à cela.
État anxieux généralisé
C’est déjà suffisamment pénible comme ça, mais cela peut avoir comme conséquence de créer un état anxieux plus général, qui peut être très handicapant.
En effet ces crises d’angoisse irrationnelles, vont créer une angoisse bien rationnelle elle : la peur de faire des crises d’angoisse !
Ces crises étant traumatisantes, une certaine proportion des personnes qui les vivent vont mettre en place des stratégies d’évitement, afin de diminuer les chances qu’elles surviennent.
Si le contexte identifié était la voiture, elles vont éviter de conduire, ou uniquement sur des types de trajets bien définis. Si c’était le restaurant, elles ne vont plus aller au restaurant. Si c’était l’avion, elles ne vont plus prendre l’avion.
Si le contexte n’est pas identifié, c’est encore plus anxiogène, car on ne sait pas ce qui peut déclencher les crises. La stratégie d’évitement peut alors être d’éviter toute situation ou la survenue d’une crise serait vraiment handicapante, et elles sont nombreuses !
Tout ça a des conséquences dans leur vie de tous les jours, et crée des contraintes qui d’une certaine manière empiètent sur leur liberté. Je vous ai parlé de Jeanne qui ne sortait plus de chez elle, de Christophe qui réfléchissait à repousser une compétition importante, et de Frédérique qui multipliait ses temps de trajet par deux, parfois 3 ou 4 pour ne pas prendre l’autoroute. C’est une contrainte qui peut devenir très handicapante qui se met en place car les personnes sont dans une forme de stress post traumatique.
L’émotion ressentie était tellement forte lors du premier incident (peur de mourir ou d’un danger pour ses proches, d’être ridicule, d’être vulnérable), que le cerveau reste en alerte afin que cela ne se reproduise surtout pas. Ceci dirige les circuits de l’attention sur des indices que le contexte craint puisse survenir à nouveau, et plus on est attentif à quelque chose, plus il prend de l’importance.
Bien entendu, cela dépend des personnes, de leur histoire personnelle, de leur caractère, tout le monde ne tombe pas dans cette angoisse.
Si l’on devait schématiser le processus.
Comment arrêter les attaques de panique ?
On voit qu’il y a plusieurs mécanismes à l’œuvre et qu’il faut tous les désactiver pour obtenir un retour à la normale.
Pour l’oubli des références positives, il faut se créer de nouveaux souvenirs où cela se passe bien. Pour cela il faut bien entendu stopper les stratégies d’évitement, mais ça ne peut pas être possible sans un travail préalable. Il faut également désactiver l’angoisse rationnelle, et donc créer de nouvelles croyances qui sont rassurantes. Cela ne peut pas se faire sans que la personne n’ait confiance dans le fait que les crises d’angoisse multiples aient disparu.
Le travail de premier intention en thérapie sera donc de travailler sur le mécanisme à l’origine des crises d’angoisse.
Thérapies axées spécifiquement sur la phobie ou sur l’état d’angoisse (TCC, psychologie, Hypnothérapie, …) ou le stress post traumatique. Un traumatisme pourrait être par exemple le fait d’avoir eu un accident de voiture, ou d’avoir évité un accident de justesse. Il y a des techniques très efficaces pour travailler là dessus. Ceci peut s’accompagner d’aides à base d’anxiolytiques, à voir avec votre médecin.
L’objectif thérapeutique est de désactiver les attaques de panique. Il n’y a alors plus d’événement aigu. Les crises d’angoisse et les attaques de panique cessent.
Il faut ensuite amener la personne à prendre de la distance avec les crises passées, c’est à dire à régler ou désactiver le trauma.
Et pour retirer l’état anxieux généralisé, qui est lié à la croyance en l’existence potentielle de ces crises d’angoisse dans l’avenir, il faut que vous arriviez à avoir confiance dans le fait que c’est terminé. Il faut changer les prédictions que l’on fait sur l’avenir.
Comment construire cette confiance ? Dans le cas d’une phobie, lorsqu’on connaît le déclencheur, on peut se confronter, progressivement ou pas, au contexte qui était craint.
Si le travail a été efficace, le fait de constater que la crise ne survient pas inocule une nouvelle croyance. Tant que cette confrontation avec la réalité n’a pas été faite, le doute subsiste. L’ancienne croyance peut avoir été mise en doute, mais elle n’a pas été remplacée par une nouvelle plus positive. Le pire, c’est que si l’on attend trop longtemps pour s’y confronter, le doute qui a été mis en place par la thérapie finit par s’étioler, et on revient à la situation de départ. Après un travail sur une phobie quel qu’il soit, il faut donc assez rapidement se confronter au déclencheur pour vérifier à quel point on a retrouvé de la liberté. Il faut consciemment faire l’effort de cesser les stratégies d’évitement mises en place.
Si l’on ne connaît pas le déclencheur, que les crises de panique apparaissent aléatoirement, en tout cas sans qu’un déclencheur puisse être identifié, il faut alors se baser sur la fréquence de survenue des crises. Je parle des vraies crises, pas de l’anxiété qui en découle. Si par exemple on faisait jusque là environ une crise par semaine avant la thérapie, on peut raisonnablement dire au bout de trois semaines que quelque chose semble avoir changé si aucune crise, n’est survenue, et encore plus au bout d’un mois.
Le temps devient votre indicateur pour réactualiser votre vision du monde et de votre mode de fonctionnement, et reprendre en confiance.
Ce que cela signifie, c’est qu’il n’est pas étonnant, après un travail de ce type, qu’une anxiété persiste. Et il ne faut pas attendre d’être arrivé à la décontraction complète, comme vous étiez avant le premier événement, pour vous confronter à nouveau au monde et reprendre votre vie d’avant.
L’idée est de découvrir si les limites que vous aviez avant le travail sont encore là ou non.
C’est le cas général, lorsqu’on parle de vraies crises d’angoisses récurrentes.
Je vais maintenant vous parler d’une autre situation, souvent confondue avec celle-ci, et dont il est plus facile de sortir.
Vous vous souvenez de Jeanne, Thomas et Frédérique ?
Ce n’est pas de ça du tout dont ils souffraient.
Les fausses crises d’angoisse
Pourtant ça y ressemblait beaucoup, et c’est pour ça qu’ils sont venu me consulter, pour travailler sur leurs crises d’angoisse.
De quoi souffraient-elles alors ? Qu’est-ce qui peut à ce point ressembler à une ça, sans être une crise d’angoisse.
Souvenez-vous, Jeanne était tranquillement sur le canapé en famille, dans un contexte détendu lorsque la première crise est arrivée. En ce qui concerne Thomas, il ne s’est pas expliqué pourquoi à un moment sa vessie s’est vidée toute seule. Et pour Frédérique, elle était tranquillement en train de partir en vacances, alors qu’elle adorait rouler, lorsque le malaise l’a pris.
Le point commun à toutes ces histoires, c’est qu’il n’y avait rien d’angoissant dans le contexte. C’est arrivé sans avertissement, dans un moment de détente.
Autre point commun, que j’ai pu établir en les interrogeant, il n’y a jamais plus eu de situation similaire à ce qu’ils ont appelé « la première crise ». Il y a bien eu de l’angoisse, mais pas au niveau de ce qui s’était produit la première fois. Jamais. En revanche il y a une angoisse qui s’est peu à peu plus ou moins généralisée.
Ils ont recherché ce qu’ils avaient, auprès d’un médecin généraliste, d’un psychiatre, d’un ami ou d’un parent, ou de … quelqu’un sur le forum de doctissimo… et on en a conclu que c’était une crise d’angoisse.
Quel est le schémas :
- 1 événement unique
- Pas de contexte particulièrement anxiogène, ou pas suffisamment pour expliquer la réaction
- des réactions physiques très fortes, entraînant une peur importante (de mourir, d’être ridicule, de se donner en spectacle, d’être vulnérable). Vivre ça est angoissant. On a donc les ressentis SUIVIS de l’angoisse, et pas l’angoisse précédant les ressentis.
Un diagnostic en lequel on a confiance : une étiquette : crise de panique. Ce diagnostic agit comme une prédiction. Il remplace le système prédictif de déduction de la personne par une certitude issue de l’extérieur. Cela agit comme une malédiction : Tu souffriras de crises d’angoisse toute ta vie !
Qui crée un état anxieux plus général, lié aux conditions du premier événement, ou pas.
Et chez un nombre assez important de personnes, le problème actuel provient de ce diagnostic.
Reprenons étape par étape.
Le premier événement : il se passe quelque chose dans leur corps qui ne s’est jamais produit, en tout cas pas à cette échelle.
Ils cherchent une explication qu’ils trouvent soit seul par leur réflexion, soit en cherchant sur internet (pourtant vous savez qu’il ne faut pas le faire!), ou en demandant à une personne de confiance (un ami, un médecin, un membre de la famille). Cette explication est ensuite acceptée avec toutes les conséquences qu’elle implique. Il arrive que ce soit la personne elle-même qui s’auto diagnostique sur la base de ce qu’on lui a dit : vous avez fait une crise d’angoisse devient dans son esprit « vous pouvez faire des crises d’angoisse à n’importe quel moment ».
Et qu’implique le fait d’expliquer ce qu’il s’est passé comme une crise d’angoisse ?
Qu’il y a une faiblesse psychologique chez moi.
Que quelque chose l’a déclenché, sans qu’on sache pourquoi à ce moment précis.
Que désormais on vient de basculer dans la catégorie des personnes psychiquement fragiles, voire malade.
Et que cela peut se reproduire à n’importe quel moment, ou en présence du contexte si on en a identifié un.
La conséquence logique c’est donc que l’on bascule dans le même état d’anxiété, que les personnes qui font vraiment des crises de panique avec des stratégies d’évitement.
Imaginez en effet que le médecin ait raconté qu’il s’agissait juste d’un malaise, que ça peut arriver et qu’il n’y ait pas de raison que cela se reproduise. Que c’est arrivé à ce moment là mais que ça n’a sans doute rien à voir avec le contexte et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, que se serait-il passé ? La personne aurait fait un malaise, certes désagréable, mais cette explication aurait « guéri » le traumatisme.
Dans ce cas là, c’est de mettre une étiquette sur ce qu’il s’est passé qui devient le créateur de croyance anxiogène.
Mais si ce n’était pas une crise de panique la première fois me direz-vous, qu’est-ce que c’était
Avec quoi cela peut-il être confondu ? Surtout que ces personnes ont bien ressenti une angoisse intense à ce moment là, qu’on peut effectivement qualifier de crise d’angoisse.
L’explication psychologique, c’est à dire de résumer ce qu’il s’est passé sous l’étiquette « crise d’angoisse » peut donc être complètement fausse. Il peut y avoir de nombreuses manifestations physiques, générant naturellement de l’angoisse, qui peuvent avoir des raisons purement physiologiques, parfois sans gravité.
Est-ce vraiment si différent dans le mode de fonctionnement dans les deux cas ?
Imaginons une personne coincée sur une île, seule, sans aucun accès au monde extérieur et sans connaissance médicale ou psychologique particulière.
Un jour son cœur s’emballe, sa respiration se fait oppressante, elle a des vertiges et peut-être même s’évanouit. On imagine bien son angoisse sur le moment, peut-être même la peur d’être en train de mourir, et le traumatisme que ça peut représenter. Ce n’est donc pas l’angoisse qui n’a pas su être gérée qui a déclenché toutes ces manifestations physiques, mais bien un malaise corporel (et je ne dis pas qu’il faut le prendre à la légère, il faut consulter) qui a généré légitimement une angoisse, surtout si cela donnait l’impression de mourir.
Remise plus ou moins de ses émotions, la personne reprend le cours de ses activités, sans savoir ce qu’il s’est passé, craignant peut-être que cela se reproduise.
Et le temps passe. Si ce premier épisode était créé par un mécanisme psychologique ayant un ou plusieurs déclencheur, cela va se reproduire, et on pourra alors dire qu’elle souffre effectivement de crises d’angoisse.
Mais si c’était un malaise passager, la personne va reprendre le cours de sa vie, le souvenir restera peut-être comme un mauvais moment vécu, peut-être un trauma, mais sans incidence sur sa vie actuelle.
Et pour Jeanne, Thomas et Frédérique, c’était quoi alors ?
Jeanne est l’une des premières patientes qui est venue me consulter dans cette configuration là. Au début nous avons essayé de comprendre ce qui aurait pu déclencher au niveau psychologique. Elle avait eu une rupture peu avant le premier épisode. Elle avait eu l’impression de l’avoir plutôt bien digérée, mais on ne sait jamais s’est on dit… Le travail là dessus n’a rien donné.
Jeanne était artiste de spectacle pratiquant le tissu aérien, cette discipline où l’on s’enroule très haut pour réaliser des figures acrobatiques. Jeanne liait cela avec de la contorsion. Le jour où elle a eu son premier épisode, elle venait de faire un entraînement assez poussé avec des descentes très rapides et des arrêts brutaux. Ce n’est qu’au bout de quelques séances qu’elle m’a donné cette information.
J’ai pensé que cet entraînement pouvait être à l’origine du problème. En effet il était étrange qu’un problème de cette ampleur survienne tout à coup, dans une période de sa vie normale, sans fatigue particulière.
Je lui ai recommandé de consulter un autre médecin pour avoir son avis, à la lumière de ce que nous avions évoqué dans nos séances.
Le diagnostic de celui-ci a été différent : commotion cérébrale, suivie d’un stress post traumatique lié aux manifestations de la commotion
Ce nouveau diagnostic a tout changé pour Jeanne. Libérée de l’étiquette « crises de panique », elle a modifié sa vision d’elle même en se disant que cet épisode n’avait pas de raisons de se reproduire. Son système prédictif a été mis à jour, et cela a mis fin à ses angoisses rationnelles. Elle a donc mis fin à ses stratégies d’évitement, et passé les premières hésitations bien compréhensibles du début, elle a repris sa vie comme avant. Rappelons qu’elle prenait des anxiolytiques et antidépresseurs depuis plusieurs mois.
Pour Thomas, le cas était différent et j’avais déjà croisé le chemin de suffisamment de personnes dans le même cas que Jeanne pour que l’on aborde la question d’une origine physique potentielle dès la première séance. Thomas est un sportif accompli, coach sportif, faisant des compétitions de musculation de haut niveau. En préparation d’une compétition assez importante pour lui, Thomas avait fait un jeune hydrique de plusieurs jours, suivi d’une prise d’eau de 6 litres dans une seule journée. Le lendemain sa vessie se vidait sans qu’il puisse se contrôler, et sans qu’il ait fait le lien entre les deux. Cet événement humiliant l’avait mis dans la même spirale d’angoisse que Jeanne. Une fois le mécanisme compris, et le traumatisme apaisé, et un travail sur la confiance en l’avenir effectué, Thomas a pu participer à la prochaine compétition qu’il avait prévue et qui prévoyait de longs déplacements en groupe qui l’angoissaient.
Pour Frédérique, nous n’avons jamais su ce qui a pu causer ce premier malaise en voiture, mais de comprendre le mécanisme et d’accepter de croire que cela ne pouvait être qu’un épisode passager a considérablement amélioré sa situation. Progressivement, l’angoisse en voiture a diminué au point qu’elle puisse désormais conduire comme avant.
Quelles conséquences d’un « faux diagnostic »
Comme je l’ai déjà évoqué, une personne pensant être atteinte de crises d’angoisse va modifier sa vision du monde et d’elle même, et aussi la manière dont son système prédictif interne anticipe l’avenir. Notre cerveau a des zones dédiées à la prédiction, dans l’objectif de nous éviter des dangers et de faire en sorte que notre vie soit la plus agréable possible.
Le changement de croyance : « Je suis sujet à des crises d’angoisse », va créer de nouvelles prédictions qui vont être source de stress. Suivant la force de la croyance, l’état de santé physique ou psychique de la personne à ce moment là, cela peut créer des angoisses qui vont renforcer la croyance.
Comment savoir si j’ai un mauvais diagnostic
Je préfère vous le dire tout de suite, il n’y a rien qui puisse vous en donner la certitude, il y a juste des indices qui mis bout à bout, doivent vous faire douter du fait que vous soyez un ou une angoissée chronique.
Quelques éléments doivent vous mettre la puce à l’oreille.
- Le fait que ça arrive tout d’un coup, sans que vous n’ayez ressenti le contexte comme particulièrement stressant. Pas d’angoisse avant la crise.
- Le fait que vous n’ayez plus jamais ressenti de crise aussi importante que la toute première, même s’il y a pu en avoir d’autres par la suite.
- Le fait qu’il y ait un contexte physique particulier préalable : fatigue, maladie, médicaments, choc, jeune, …
En gros si votre courbe de stress ressemble à ça, avec une angoisse que ça recommence, mais pas vraiment de « crises » équivalentes à la première, je vous recommande fortement de remettre en question le scénario des crises d’angoisse.
De toutes façons vous n’avez rien à perdre.
Comment vous en sortir dans ce cas là
Bien entendu si vous avez mis en place des stratégies d’évitement particulièrement restrictives, vous ne pouvez pas savoir si les « vraies crises » sont encore là, vu que vous faites tout pour les éviter.
C’est un peu comme si vous aviez peur des monstres dont on vous a dit qu’ils étaient cachés dans la forêt, donc vous n’allez jamais dans la forêt pour ne pas les croiser… alors qu’ils n’existent peut-être tout simplement pas. Donc pour le vérifier, il va falloir y aller !
Vous l’avez compris, c’est quand même plus simple que dans le cas de vraies crises de panique régulières, car il n’y a pas le mécanisme d’origine à trouver et à désactiver.
Voici la démarche que je vous recommande et que j’applique avec mes patients :
comprenez bien tous les mécanismes afin de changer les croyances à l’origine de l’angoisse rationnelle
si le souvenir du premier épisode est encore traumatique, vous pouvez le savoir si vous ressentez encore un stress en y pensant, faites vous accompagner d’un professionnel pour y remédier et dissiper la charge émotionnelle qui y est associée. Après tout ce moment est terminé. Il faut à la fin de ce travail que vous puissiez penser à cet épisode, tout en restant détendu.
Ensuite, il faut que vous puissiez vous projeter dans le fait d’accomplir à nouveau tout ce que vous évitiez ? L’objectif, c’est que vous puissiez vous imaginer faire une crise d’angoisse, tout en restant détendue. Je ne dis pas que vous devriez rester détendue en faisant une crise d’angoisse, mais que l’idée d’en faire une, dans votre imagination, devrait pouvoir être envisagée d’une manière neutre. Après tout, ce n’est que de l’imagination, pas la réalité. Des techniques de désactivation émotionnelles sont très efficaces pour parvenir à ça.
Une fois les deux points précédents réalisés, et pas avant, confrontez-vous aux contextes qui vous évitiez jusqu’à présent. C’est à faire en fonction de ce que vous vous sentez capable. Vos anciennes références dans ces contextes, sont négatives, il est donc normal que vous y alliez dans un état d’esprit qui comporte une pointe de doute. C’est l’approche que l’on utilise en thérapies cognitivo- comportementales par exemple, l’approche par exposition. L’idée est d’y aller suffisamment progressivement pour ne pas vous faire violence, mais d’être suffisamment ambitieux pour que ça ne prenne pas des mois pour revenir à une situation normale.
Conseils aux soignants
Conseil aux soignants, ou à toutes les personnes qui soit établissent des diagnostics ou donnent des conseils, qu’ils soient professionnels ou non.
Premièrement, si vous n’êtes pas professionnel, ne faites pas de diagnostic, même si ce que la personne a vécu ressemble à votre vie. Le mieux toujours dans ces cas là, c’est de demander l’avis à un, voire plusieurs professionnels, à commencer par votre médecin traitant.
Pour les professionnels, soyez conscient que tout ce que vous dites peut être perçu comme parole d’évangile ou comme un oracle, donc prudence ! Il faut s’assurer que toutes les réserves que vous avez pu émettre soient bien comprises par le patient qui peut n’avoir sélectionné que quelques mots dans toute votre explication. Certains « bloquent » littéralement sur ce qui pourrait être le plus effrayant, et si vous avez dit que cela pouvait être une crise d’angoisse, de l’hypoglycémie ou une chute de tension, la personne peut bloquer sur « crise d’angoisse ».
Pour éviter cela, évitez les moments trop connotés comme « crise » ou « panique », et évoquez plutôt un moment d’angoisse possible, lié à d’autres aspects possibles. Et surtout il est important, lorsque vous n’avez aucun indice sur le fait que cela puisse se reproduire, de bien le faire comprendre à la personne : « Beaucoup de personnes vivent ça une fois dans leur vie, sans que cela recommence, mais revenez me voir si besoin. »
Cela évitera à beaucoup de se prendre la tête pour rien !
Voilà j’en ai fini pour aujourd’hui. J’espère que j’ai pu vous apprendre deux ou trois choses sur les crises d’angoisse. Bien sûr l’esprit humain est extrêmement complexe, et il ne s’agit que de généralités. Dans tous les cas prenez conseil auprès d’un ou plusieurs professionnels et gardant ce que je vous ai dit à l’esprit.
A très bientôt